Construire un solo de clarinette contrebasse permettant à la fois de poursuivre et de développer les chemins multiples de l’écriture et de l’improvisation contemporaine, tel était le point de départ du projet.
Ne rien s’interdire, de la plus exigeante recherche de sons improbables à la mélodie la plus simple, le terrain de jeu s’étend à l’utilisation infinie des possibilités de cet instrument aux multiples registres, aux effets surprenants, aux sonorités chaudes et voluptueuses d’où l’étrangeté surgit à tout instant.
Il y avait aussi ce désir intense d’explorer la profondeur de l’univers des sons graves, du chant intérieur d’un corps soufflant, haletant, respirant, aspirant et goûtant le flot continu /discontinu d’une humeur précise et vagabonde à la fois !
Et pourtant, au commencement de ce solo, ce sont les sons « suraigus » qui surgissent du tréfonds de cet instrument à l’architecture digne d’un Beaubourg des temps modernes, des harmoniques mélodiques douces et légères qui authentifient l’ampleur des espaces soupçonnés et imaginés. Les mélanges se font avec un naturel déconcertant, une souplesse totale à se « frotter, fritter, cogner, glisser, frôler et caresser » tous les extrêmes du champ sonore.
Où l’on retrouve la présence d’un bourdon « médiéval », dont la permanence ne tient qu’à soi, un long chant grave venu des origines du monde, du fond ou du bas de cette colonne d’air aux sources crépusculaires, une sobre résonance de tout un corps constitué d’une vie unique à cet instant précis, auxquels viennent se joindre les accidents, les fulgurances, les incertitudes, les décalages, les assemblages, les superpositions, les croisements, le tout à la fois, et la folie-solitude, « folitude » du monde, qui donnent un sens toujours fuyant aux chemins « empreintés » de la musique.